C'EST TELLEMENT
FACILE DE DIRE
“ RIEN N'EST ”,
SEULEMENT PARCE
QU'ON EST RIEN;
“ TOUT SE VAUT ”,
SEULEMENT PARCE
QU'ON NE VAUT RIEN

  
 


      Chapitre un : la Valeur

      L'horreur de l'idée de gauche, c'est de penser que tous les hommes se valent, que la première Caissière à LECLERC venue vaut Jean-Edern HALLIER.

      La bêtise de l'idée de droite, c'est de penser que machin vaut plus que trucmuche, parce que machin est plus riche, ou plus noble, ou plus doué pour faire du poignon, ou pour aligner des michuteries crasses qui complaisent au public trisomique des soirées familiales et télévisuelles, ou parce qu'il est blanc, ou nègre, ou juif, ou pas juif, ou extra-terrestre disséqué de passage chez PRADEL - mais ça, c'est plus rare.

      La vilenie pathétique que partagent de concert ces deux idées sordides est celle-ci : si elles nient la valeur, elles pensent, en revanche, que tout a un prix.

      Ce n'est pas vrai, ce n'est pas vrai, tout ne se vaut pas.
      La Caissière à LECLERC dit : “qu'est c'que j'en ai à foutre de MOZART ou d'EINSTEIN ? y z'auraient pas existé, ma vie elle s'rait la même !” - Non ! Vois-tu, charmante enfant, l'homme est un animal social. Aussi, si au cours de l'histoire de l'humanité souffrante, quelques individus, trop rares, n'avaient, chaque jour, cherché à s'évader du néant qu'est ta vie conforme, sans beauté, sans grandeur, nous en serions réduits, toi comme moi, à n'être que des singes, grognant, dormant, mangeant, et copulant parfois. Or, vois-tu, même toi, tu n'es pas tout à fait un singe, et, en niant la valeur, tu nies l'essence de l'Homme, bien sûr, mais aussi sa réalité.       La Caissière à LECLERC dit : “Oh ! Salaud ! t'aimes pas les gens” - Non ! non, je n'aime pas les hommes, justement parce que j'aime l'Homme, grand et beau.

      La Caissière à LECLERC dit : “Oh ! Mais pour qui tu t'prends ? Qu'est c'que t'es prétentieux !” - Non ! C'est tellement facile de dire “rien n'est”, seulement parce qu'on est rien, “tout se vaut”, seulement parce qu'on ne vaut rien. Vois-tu, parmi les michuteries crasses qui sont le fond de commerce de ton indigente pensée, tu répètes, à l'envi, cette phrase contemptrice de toute Valeur : “chacun son opinion, hein !”. Est-ce à dire, charmante enfant, que ton opinion vaudrait celle de Jean-Luc GODARD ? Bravo ! Bravo ! Elle est où l'humilité, hein ?

      Mais tu as raison, en fait, je suis prétentieux : je prétends à. Car vois-tu, si rien n'est, si tout se vaut, il ne me reste plus qu'à m'asseoir sur mon lit, avec pour seule ambition tragi-comique de finir vigile, de te draguer en boite, un samedi soir de fête, t'ayant choisie parmi deux-trois putes avinées, de te baiser sur la banquette arrière de ma 205 GTI pour le prix, d'ailleurs fort excessif, d'un MALIBU-COCA, d'une capote lubrifiée, avant de te marier, de te faire deux gosses, et de te casser trois dents - l'aventure en somme !

      Alors, je serai félon, ayant trahi mes pères. Car vois-tu, à l'opposé des idées dominantes de mon époque démocratique et libérale, je dois ; je dois à tous ceux qui, de VUILLEMIN à Richard FEYNMAN, m'ont élevé.

      Ce qu'il y a de beau en l'Homme - tu peux noter morue, c'est du NIETZSCHE, librement adapté par VAQUETTE - ce qu'il y a de beau en l'Homme, c'est qu'il n'est pas une fin en soi, mais un pont, un pont vers le Surhomme. Aussi, l'esprit désireux de porter le poids de la Connaissance et de la Valeur de l'Homme, à travers le grand désert aride qu'est le mépris des hommes, se transforme en chameau. Arrivé au bout du désert, il rencontre le dragon du “Tu dois !”, sur chacune de ses écailles brillent en lettres de feu ces deux mots : “Tu dois !”. Alors, le chameau se transforme en lion, en lion du “Je veux”. Puis, ayant traversé le désert, ayant terrassé le dragon, l'esprit se change en enfant, pour, libéré des entraves que sont les hommes et leurs mouvants préjugés, créer, seul, son propre monde, témoin de la grandeur, de la beauté de l'Homme.


La Caissière à LECLERC dit : “Hein ? C'est quoi ça veut dire ?

       Ca veut dire, charmante enfant, que moi, moi,