IL N'Y A PAS
DE MÉCHANT
SYSTÈME,
IL N'Y A QU'UNE
SOMME
D'INDIVIDUELLES
LÂCHETÉS

  
 
 



       Chapitre trois: le Courage.

       Je vais vous faire une révélation: j'ai remarqué que dans une démocratie en temps de paix, il y avait beaucoup plus de pacifistes certains d'être résistants quand les fascistes seront là, que sous la dictature en temps de guerre - c'est ça l'Imposture, c'est de croire que c'est la même chose d'être anti-raciste en France en 1940 et en 1990.

       Je vais vous faire une autre révélation. Lors de mes nombreux voyages aux quatre coins de notre monde sanglant, je n'ai jamais, mais alors jamais rencontré ce monstre hideux et oppressant que vous appelez le système. Par contre, j'ai vu des hommes bêtes et lâches, j'ai vu des hommes qui, inlassables, répètent. Oh! bien sûr, quand on a bac moins douze, ça fait très con de répéter P.P.D.A., un peu moins de répéter KLOSSOWSI à bac plus soixante neuf, mais le singe est le même. L'Imposture - la négation de la Valeur, donc - se nourrit de bêtise, souvent, de conformisme, toujours, et surtout, surtout, d'une absence totale de Courage : joli menu! Il n'y a pas de méchant système, il n'y a qu'une somme d'individuelles lâchetés, responsable de tout, des plus quotidiennes mesquineries, jusqu'aux plus grands des crimes.

       Je vous laisse réfléchir à ça.

          
 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 






ATTENTION :
DURANT TOUT CE
CHAPITRE, CE N'EST
PAS L'INDISPENSABLE
TRISTAN-EDERN
VAQUETTE,
MAIS UN MÉCONTENT,
QUI PARLE

 











































































































 
 
L'HÉROÏSME,
C'EST DE PRÉFÉRER
UNE BELLE DÉFAITE,
À UNE VICTOIRE
SANS GRÂCE

  
 
 
 

 

Je m'présente, j'm'appelle pas Henri
J'suis pas chanteur mais mercenaire
Y'a deux ans, j'étais en Bosnie
Du coté serbe pour faire la guerre
D'puis qu'y perdent j'lutte plus encore contre
Le mensonge, l'imposture, l'hypocrisie,
et finalement,
la mystification.

 

       Vous aussi vous connaissez VAQUETTE ? C'est bien ce qu'il fait.

       Je vais encore vous faire une révélation, vous m'êtes sympathiques ce soir. Vous vomissez le vice - moi, par exemple ... si, si - mais vous ignorez tout de la vertu. Arrêtés par la peur, vos crimes sont comme vous, horriblement mesquins. Des saloperies quotidiennes illustrées par un "oh! excuse-moi, je l'ai pas fait exprès", ou un "d'toutes façons, il l'a bien cherché", jusqu'à l'assassinat d'un VAN GOGH ou de trois cents mille irakiens, vous attaquez toujours de dos, quand le risque apparaît nul; tandis que moi, moi, cloué au pilori et honni à jamais, je déclamerai LACENAIRE: "Mon âme fut ferme et franche en ses atrocités", puis SADE: "Foutredieu! me voilà au point où je me voulais, me voilà couvert d'opprobre et d'infamie, laissez-moi, laissez-moi, il faut que je décharge", avant que de sourire, serein.

       Allez, je vais vous faire une dernière révélation: si c'est ainsi que les hommes vivent, je préfère crever le flingue au poing. Si c'est ainsi que les hommes vivent...

J'veux pas d'vos vies obéissantes
Sans Valeur, sans excès, sans quête
De vos p'tites joies, d'vos p'tits soucis
J'veux êt' grand et beau, comme VAQUETTE
J'veux pas d'une vie triste et conforme
D'un travail, d'une famille, de copains, de renoncement, toujours, et d'une absence
totale de courage, de volonté, de grand désir, et de haute ambition.

       Je ne veux rien, je ne veux rien de vos vies prévisibles et normales. Je veux pas me lever le matin pour gagner du poignon de peur de crever de faim - "Oh! mais pour qui tu t'prends? Même Jean-Jacques Goldman se lève le matin!" Je ne veux pas d'une vie de famille poussé par la peur misérable de la solitude. Y a-t-il une plus immonde vulgarité que de vouloir se survivre à tra-vers ses nains, si ce n'est, peut-être, le sourire béa et faussement gêné de la maman si fière de contempler son chiard qui couine dans un lieu public ?

       Je ne veux pas de ces relations grégaires et indifférentes que vous appelez des amis, dictées par la peur seule de passer, et tout d'abord à vos yeux propres, pour un handicapé social. Ah! que je m'aime, que je m'aime, lorsque odieux, méprisant et hautain, je feins d'oublier les mensonges, les compromis, les silences et les bavardages, cette faculté d'adaptation qui n'est jamais rien d'autre que le reniement de soi, tous ces atours plaisants qui font la vie sociale, et qui, seuls, rendent un homme sympathique.

       Je ne veux pas de vos renoncements constants, toujours guidés par cette même peur. "T'as raison, ça s'rait bien, mais c'est pas possible... on n'y peut rien... puis, d'toutes façons, y'a pire ailleurs". Pourquoi renverser le ty-ran, puisqu'il est le plus fort ? Parce qu'il est le tyran, bien sûr; mais surtout, surtout, parce qu'il est le plus fort.

       Et puis, cette peur constante de la mort qu'à chaque instant vous affi-chez, ça, ça ça me fait frémir, comme si la brièveté de la vie n'était pas tout son charme, son essence en tous cas. Allez va, petite fille, bénis-moi, je suis trop bon, d'une bonté qui sans doute te perdra. Grâce à moi, ta vie va gagner en valeur: trois francs, le prix d'une balle - six francs, pardon: elle bougeait encore.

       Et au coeur de cette mer de néant, quelques récifs de misère: "Capitaine, capitaine, qu'est c'que tu fais c'week-end? à bâbord" ; "Capitaine, capitaine, qu'est c'que tu fais pour les vacances? à tribord" ; avant que d'accoster au port, si le bateau pourri est pas coulé avant: "Terre, terre, c'est la r'traite!" - "J'suis vieux, impotent, paraplégique, sénile, et aveugle: j'peux plus rien faire!". Ta gueule, connard, avant, tu ne faisais rien non plus. Seulement, maintenant, tu as juste plus de temps pour t'en apercevoir. Allez va! si c'est ainsi que les hommes vivent, je préfère crever le flingue au poing. Si c'est ainsi que les hommes vivent...

Et sur mon cadavre criblé d'balles
Mon papa viendra pas pleurer
L'aura honte de son fils fasciste
Lui qui m'a pourtant bien élevé
Dans le respect des idées d'gauche
Modérées, bourgeoises, droitdlhommiennes, humanistes... bourgeoises,
bourgeoises surtout.


       Le fascisme, papa, c'est tout, c'est tout sauf ça. Le fascisme c'est, stric-tement, l'homme au service de l'état. C'est exactement le contraire de mon individualisme libertaire qui prétend préserver la meilleur part de l'homme, sa valeur, contre les hommes, en troupeau, et leur totalitarisme niveleur - c'est beau, hein?

       Mon ennemi, c'est pas les fascistes, ou les communistes, ou les croates, mon ennemi, c'est les braves gens normaux qui, comme toi, prudents et raisonnables, ne seront jamais des saints, et jamais des grands criminels, et qui, jamais, n'aspirent à l'absolu.

       Vous n'avez rien, vous n'avez rien pour vous, si ce n'est la force terri-fiante du nombre qui toujours nous broiera. Tant pis.

L'Héroïsme, c'est d'dire non, non à tout, non au rien
C'est d'vivre ou d'se buter, choisissant son destin
D'vouloir êt' grand et beau, quand tout est p'tit et laid
D'défendre, seul, une idée, surtout lorqu'elle déplaît

       "J'ai vu les trois grandes expressions de la société: l'Obéissance, la Lutte et la Révolte; l'Obéissance était ennuyeuse, la Révolte impossible, et la Lutte incertaine." - Balzac.

L'Héroïsme, c'est d'dire oui, oui à tout, pour un rien
D'faire comme si tout était, certain que rien n'est rien
C'est, sachant qu'tout est jeu, et illustrant Kafka
De seconder le monde dans son combat contr' soi

       L'Héroïsme, c'est de préférer une belle défaite, à une victoire sans grâce. Aussi, papa, vais-je mépriser affreusement cet instant - Adieu.

       Allez va! si c'est ainsi que les hommes vivent, je préfère crever le flingue au poing. Si c'est ainsi que les hommes vivent... moi, moi,






          
 
 

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