Chapitre 39
:
Vaquette abuse

En uniforme, médailles sur la poitrine, je pénètre dans le bureau du colonel qui commande le camp

En uniforme, médailles sur la poitrine, je pénètre dans le bureau du colonel qui commande le camp.

— Bonjour colonel, je peux vous déranger un instant ?

— Bien sûr colonel. Entrez, je vous en prie. Qu’est-ce qui vous amène ?

— Je m’en vais. Je rentre en France, chez moi, à l’instant. Je quitte l’armée si vous préférez. Vous pouvez confier mon commando au capitaine Majakovic, il a toutes les qualités requises pour en assumer le commandement. Je tenais également à vous remercier pour votre accueil qui fut parfait. Voilà, ce fut bref, mais bon, ou plutôt, ce fut bref mais court.

Je lui souris. Lui tends la main.

Le mal des transports, toujours. Je serais venu, accompagné de quelques tachyons pour lui annoncer l’invasion imminente de la Terre par de cruels Martiens, il n’aurait pas été plus étonné, plus abasourdi, plus désorienté – décidément, les bas tiennent mal sur le sol d’Albion.

— Vous ne pouvez pas faire ça.

— Et pourquoi ? La porte est fermée et vous avez perdu la clef ? C’est la grève des contrôleurs aériens ? Le mariage de votre femme, c’est demain, et j’ai promis à votre amant de venir ? Voyons colonel, j’ai une tête, deux jambes : je peux aller où bon me semble. Je vous tends de nouveau la main ?

Je lui tends de nouveau la main.

— Mais colonel, c’est une désertion !

— Oh ! Tout de suite les grands mots ! Disons une inflexion dans ma carrière du crime – allez, je vous le confie d’homme à homme, je rentre en France violenter quelques enfants belges en bas âge. Sérieusement, vous allez procéder à l’arrestation d’un colonel, colonel ? Peut-être me tirer dans le dos lorsque je sortirai ? Me torturer pour que je revienne sur ma décision ? J’ai manifestement fait une erreur en intégrant l’armée, je regrette ma faiblesse, disons que je la répare aujourd’hui sans attendre, pour le bien de tous. Soyez certain que j’aurais fait un exécrable militaire. Sans rancune ?

Je lui tends pour la troisième fois la main. Toujours à sa stupeur, il insiste d’un « Mais… colonel ! » malvenu. Décidément, il n’y a rien à attendre de ces gens-là. Je le quitte d’un « Adieu colonel », lui tourne le dos, sors de son bureau, traverse le camp, franchis la porte d’entrée sous le salut des gardes, stoppe un véhicule militaire français, et commets, il me semble, mon premier abus de pouvoir : « Emmenez-moi à Londres immédiatement, c’est urgent. »