Chapitre 43
:
Ma Rangeo dans ta gueule

Lorsque je reprends connaissance, je suis attaché sur une estrade – ah

Lorsque je reprends connaissance, je suis attaché sur une estrade – ah ! comme elle doit les irriter mon arrogance en cet instant – exhibé à la foule. La suite ? tu la connais, ami lecteur : les insultes, les crachats, les coups, puis, des cris, des insultes, quelques coups de feu aussi, et, sans même être sorti major du dea de tuerie collective de Saint-Cyr-Coëtquidan, je comprends qu’une altercation oppose des gens fort peu contents, à d’autres, très en colère aussi, et j’ai la certitude que cette ire, ces tirs aussi, ne me sont pas tout à fait étrangers. Quelques secondes plus tard, quarante-deux chapitres plus tôt, des militaires en armes dispersent la foule pour me libérer. Parmi eux, je reconnais Artémise, Bixente, et d’Astignac aussi. C’est là que mes ennuis ont vraiment commencé.

Artémise se dirige droit vers moi, radieuse. Le chef des résistants (vous voyez, j’y suis arrivé, du premier coup), le visage toujours tuméfié, à peine moins sanguinolent, l’interpelle, crie, la menace de sa main levée :

— T’étais où tout ce temps, salope ! Qu’est-ce que tu fous là ?

Calmement, bien sûr, elle répond, avec un grand sourire :

— Mais c’est à moi de te demander cela, mon amour. Tu n’es pas au café ?

Il s’énerve plus encore, abat sa main vers le visage d’Artémise, lui crie « Rentre à la maison, tout de suite », puis, couine, et s’écroule de nouveau, frappé par Bixente. Elle s’approche, se penche vers lui, et, doucement, très doucement, lui dit :

— Non. Je ne rentre pas à la maison. Je ne rentrerai plus jamais à la maison.

Il balbutie, crache du sang, désorienté, perdu, comme tous, semble-t-il, dès que nous apparaissons :

— Tu ne peux pas faire ça ?

— Si, bien sûr, je le peux. Demande au colonel Vaquette, il t’expliquera : la continuité, la rupture, la fidélité, la prescription des fautes, le courage, la responsabilité, la liberté bien sûr. Je doute que tu comprennes. Je te laisse tout, rassure-toi. Je vais vivre, enfin. J’espère que toi aussi. Je ne t’en veux pas.

Disant cela, elle me regarde, sourit, de son joli sourire, et je comprends soudain à quel point ils m’ont manqué, malgré tout. Elle saute sur l’estrade, se jette dans mes bras. Nous nous serrons longtemps, sans rien dire. M. Legrand se méprend, bien sûr, la jalousie déforme plus encore son visage, il sort de sa ceinture un revolver, puis le lâche quand Bixente lui écrase la main avec sa Ranger, avant de conclure par un conseil, un bon conseil :

— Toi, l’alcoolique, tu bouges pas, sinon, c’est ma Rangeo dans ta gueule.