Chapitre 59 C
:
Amour

Que ferait Tristan

Que ferait Tristan ? Que ferait-il ? D’abord, il inspecterait la pièce, longuement, attentivement, puis, il songerait au temps dont il dispose et l’estimerait grandement suffisant pour tenter une évasion. Il ajouterait alors, forcément, férocement bravache : c’est trop ! Pas une seule seconde, bien sûr, il ne se demanderait où est son devoir, ce qu’il doit faire, tant nous abandonner lui semblerait d’évidence inenvisageable. Alors, probablement, il sourirait, d’abord, comme souvent, puis affirmerait sans faillir : je gagne toujours à la fin.

Songeant cela, Artémise réclame une cigarette au garde. Il lui tend son paquet, fouille dans sa poche, saisit un briquet, l’allume, pousse un cri lorsque le genou  d’Artémise entre violemment en contact avec ses parties génitales, puis s’écroule. Elle ramasse son arme, se retourne, au même instant, le deuxième garde pousse la porte. En quatre pas, elle est à la fenêtre, l’ouvre lorsqu’il apparaît dans l’embrasure, saute sur la corniche alors qu’il met en joue, se jette dans le vide au moment du coup du feu. La balle entre par la nuque, ressort au niveau du nez, et, lorsque le capitaine Legrand, née Artémise de Briancourt, touche le sol et s’écroule, morte, elle n’est plus jolie, du tout.

Stéphane entre dans le bureau, s’assied, réfléchit, longtemps, puis griffonne ces quelques mots : « Peu après avoir été mise aux arrêts à titre conservatoire durant le temps de l’enquête sur son éventuelle complicité avec le crime de haute trahison dont le colonel Vaquette est soupçonné, le capitaine Legrand a tenté de s’évader en blessant gravement un de ses gardes, avant d’être abattue quelques instants plus tard. Sans présager des conclusions de l’enquête qui, bien sûr, continue jusqu’à la condamnation et la dégradation éventuelles à titre posthume du capitaine, on ne peut s’empêcher de voir dans ce geste un aveu flagrant de culpabilité. » Stéphane pose son stylo, range ce texte au côté des déclarations de d’Astignac et de Bixente, se lève, regarde par la fenêtre le corps d’Artémise porté sur un brancard, sourit, et murmure :

— Adieu Artémise.