Chapitre 68
:
Fin

Le jour se lève, je suis encore debout lorsque Stéphane pénètre dans ma cellule, accompagné par huit gardes armés tous plus gr

Le jour se lève, je suis encore debout lorsque Stéphane pénètre dans ma cellule, accompagné par huit gardes armés tous plus grands que moi – la bête n’est pas morte, semble-t-il. Nous sortons, traversons plusieurs couloirs, franchissons des portes, pour nous retrouver enfin dans une grande cour où se dresse un poteau d’exécution, où m’attend un peloton militaire.

J’ai menti. J’ai passé une nuit entière, la dernière peut-être, à me mentir. Je veux pas crever comme ça. Ça va être bref, sordide, définitif, aussi minable que l’assassinat du taureau dans l’arène, sans personne pour chanter ma légende, mon courage dans la mort. Moi, j’aurais voulu une grande scène, belle, un long travelling, au ralenti, les balles qui convergent toutes ensemble vers mon cœur, et, à l’instant de l’impact, faire un simple pas de côté pour voir ma poitrine qui explose, pour admirer ma mort, puis crier « Coupez », et jouer encore, tout de suite, une autre partie, une autre scène, avec le même personnage, puisque décidément, c’est lui mon préféré. Je me fous de ma légende si je ne suis plus là pour l’entendre. Je ne veux pas crever. Je veux vivre, tourner le dos à la forêt, retourner sur la plage, et traverser l’océan, atteindre de nouveaux mondes, les conquérir, tous. Oui, je veux tout, encore.

Je regarde attentivement autour de moi, je fais le point.

Digression

Là encore, ami lecteur, tu peux faire un dessin, mais attention, ça va être bref.

Fin de la digression

Outre les huit gardes, Stéphane et les hommes du peloton d’exécution, il y a une dizaine de soldats dans la cour, tous armés, auxquels il faut ajouter deux hommes qui servent une mitrailleuse lourde dans chaque mirador situé aux quatre coins de l’enceinte qui clôt la cour, enceinte aux murs de cinq mètres de haut, protégés en leur sommet par des barbelés, et trois autres, enfin, qui contrôlent l’ouverture d’une porte en métal semblant conduire à l’extérieur. Bien sûr, je suis seul, et désarmé aussi, mais mes gardes n’ont pas pris la peine de m’attacher.

Je regarde de nouveau, bien en face, la situation, puis, je souris, décidément comme toujours, ou presque, et me dis à moi seul : « Il est trop tard », et ces mots sont terribles, peut-être même n’y en a-t-il pas de plus terribles. Stéphane s’approche :

— Une dernière parole, peut-être ?

— Oui. Je gagne toujours à la fin.